Pourquoi je considère mon activité de Pédagogue Par la Nature comme "militante" ?
- Antoine Horellou
- 5 juin
- 4 min de lecture
Je me suis lancé dans la Pédagogie Par la Nature en 2020, en inscrivant mon premier enfant, Robinson, 6 ans, à la ForestSchool "AutourDuFeu" (basée à Plonéis dans le sud Finistère).
Je le laissais tous les mercredis après-midi, pendant deux heures, crapahuter sans moi, avec les autres enfants et les pédagogues. C'était la période "Covid" et ses confinements multiples, lors desquels les enfants étaient "privés de nature" : je me suis demandé "comment en est-on arrivé là ?".
J'ai découvert que le "syndrome du manque de nature" (Richard Louv) était sans doute une des réponses les plus évidentes.
Je me suis alors résolument engagé dans cette cause : relier les humains à eux mêmes, entre eux, et avec les autres vivants (qui les composent et les entourent).
A partir de 2021, j'ai quitté mon job et me suis lancé en formation avec le Réseau de Pédagogie Par la Nature.
J'ai pris mon temps, observé, appris, ressenti, donné des coups de mains à plusieurs pédagogues chevronnées.
Puis j'ai trouvé un "coin de forêt", des copains, et nous avons ouvert notre ForestSchool en 2023 à Kerveatous près de Plouarzel.

1. Le choix de cette activité est en soi un acte militant
C’est une activité que j’ai choisie après vingt ans d’actions et de réflexions sur l’état du monde et son avenir. Je ne l’ai pas choisie pour “gagner ma vie” ou faire carrière, mais parce qu’elle fait sens à mes yeux, parce qu’elle s’inscrit dans une cause que je veux défendre, en pleine conscience des enjeux planétaires. Le simple fait, peut-être, qu’une personne comme moi prenne ce virage professionnel en dit déjà long. C’est un signal, un exemple possible : "s’il l’a fait, pourquoi pas moi ?"
Avant ça, j’étais engagé dans le militantisme climatique et l'accès aux besoins essentiels via des solutions "lowtechs" (la voute nubienne, cool roof, etc). J’ai ainsi participé à plusieurs COP Climat, rencontré de multiples élus, ministres, porté des amendements à l'assemblée nationale, mobilisé des grandes entreprises vers la transition… Mais je m'acharnais, ne parvenant pas à faire la différence au regard des enjeux à la fois colossaux et urgents. Je me perdais dans les contradictions d’une “green tech” pleine d’effets rebonds. J’avais l’impression de contribuer à un système délétère en voulant le transformer de l’intérieur, plutôt que de construire une véritable alternative.
Et puis j’ai découvert — ou plutôt ressenti — dans la pédagogie par la nature une sorte de convergence des luttes. Un “Eurêka”. Tout est lié.
D’un côté : la dévastation écologique est nourrie par une éducation violente, structurée sur des rapports de domination/soumission, qui fabriquent des adultes blessés, violents, qui perpétuent cette violence jusque dans les structures “exemplaires” (ONG, institutions religieuses ou écologiques, etc.).
De l’autre : un cercle vicieux peut s’inverser. Si l’on apprend à s’émerveiller du monde, alors on commence à ressentir de la beauté, puis de la gratitude. On prend soin de soi. Et de fil en aiguille, on prend soin des autres vivants, parce qu’on les admire, parce qu’on les ressent. On passe de l’égo-système à l’écosystème.
La pédagogie par la nature, c’est ça : une alternative vivable et enviable à une éducation violente.
Quand j’ai compris ça, je me suis dit : il faut vulgariser cette révolution culturelle.
2. La manière de faire est militante
J’ai choisi d’avancer à petits pas. Cela peut sembler anodin, mais dans une société obsédée par le résultat immédiat, c’est une décision à contre-courant. C’est, sans doute, l’un des gestes les plus militants qu’on puisse poser : refuser la vitesse, choisir la justesse.
3. L’approche collective est militante
Je ne voulais pas faire de cette activité une simple prestation “à mon compte”. J’ai donc cofondé une structure associative, avec deux autres pédagogues. Ensemble, on essaie de penser le métier, de travailler sur un territoire donné — très humblement, à l’échelle d’une partie de notre département.
4. Des actions de sensibilisation
Au-delà des ateliers, nous organisons des projections de films, publions des réflexions, partageons des photos, des vidéos, sur notre blog, dans la presse, sur les réseaux, dans la newsletter… C’est une forme de militantisme par le faire et par l’exemple. Nous voulons faire émerger un récit enthousiasmant, désirable : celui d’une vie faite de soin de soi, des autres et du monde vivant, plutôt qu’une fuite destructrice dans les addictions multiples (pétrole, image, consommation…).
Ouvrir une Forest School, c’est proposer une substitution culturelle joyeuse.
Pour aller plus loin — Œuvres qui m’inspirent
Essais :
La révolution du silence, Krishnamurti
Walden, Thoreau
Une enfance en liberté, R. Louv
Les couilles sur la table, Victoire Tuaillon
Nouer culture des luttes et culture du vivant, Morizot, in Socialter
Vers la sobriété heureuse, P. Rabhi
Le bug humain, Sébastien Bohler
Manière d’être vivant, Baptiste Morizot
Cessez d’être gentils, soyez vrais !, Thomas d’Ansembourg
Repenser la pauvreté, Esther Duflo & A. Banerjee
La troisième voie du vivant, Olivier Hamant
L’entreprise contre la pauvreté, Jacques Baratier
Everyone a Changemaker, Bill Drayton
Une nouvelle conscience pour un monde en crise, Jeremy Rifkin
Où atterrir, Bruno Latour
Homo Confort, Stefano Boni
L’axe du loup, Sylvain Tesson
Documentaires
Tous Dehors, Anne Jochum
Films :
Princesse Mononoké, Nausicaä, Miyazaki
Into the Wild, Sean Penn
La Panthère des Neiges, Marie Amiguet et Vincent Munier
The Secret Life of Walter Mitty
Captain Fantastic
Cast Away
Leave No Trace
Don’t Look Up
Nomadland
Romans :
Les Furtifs, Alain Damasio
Wang, Pierre Bordage
Into the Forest, Jean Hegland
Autres œuvres :
Les BD d’Alessandro Pignocchi
Les estampes japonistes d’Henri Rivière (notamment sa série La Nature)
Les architectures passives (earthships…)
Musiques :
Der Tod und das Mädchen, Schubert
The Old Bachelor, Purcell
La niña del norte, Gwendal
Zvichapera, Chiwoniso
Aurora, Avishai Cohen
Les Quatre Saisons, Vivaldi
Along the River, Big Tree (Stand High Patrol)
La Danse de Forêt, Peyruis
Bora Vocal, Rone
An hini karetan, Tangi Le Gall & Cie
Soil, Cosmo Sheldrake feat. NATURE




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